Une démarche diagnostique à tout âge de la vie vise à identifier une pathologie, à confirmer un ou des troubles repérés chez une personne pour ensuite définir et organiser les interventions recommandées et adaptées au profil de la personne. Cette démarche associe l’établissement d’un diagnostic nosologique et d’un diagnostic fonctionnel des troubles et des capacités personnelles ; à partir des éléments issus de cette démarche, un premier projet personnalisé d’interventions sera co-élaboré avec la personne et sa famille.
L’étape de réalisation d’un diagnostic fonctionnel (ou « évaluation fonctionnelle »), recommandée par la HAS,
a pour objectif de préciser les difficultés, mais surtout les capacités de chaque personne dans les différents domaines évalués. Le diagnostic fonctionnel doit aussi prendre en compte27 les obstacles rencontrés dans l’environnement de la personne ainsi que les facilitateurs disponibles ou à créer. Ces évaluations doivent permettre d’affiner et d’adapter les interventions proposées. La répétition de ces évaluations à intervalles réguliers permet de suivre l’évolution de la personne et d’adapter constamment l’accompagnement dans le cadre d’un projet personnalisé.
Il n’est pas nécessaire d’attendre l’établissement d’un diagnostic formel (aussi bien nosologique que fonctionnel complet) pour préconiser une orientation vers des interventions personnalisées ou pour proposer et mettre en œuvre des mesures de compensation. Dès que des limitations d’activités sont identifiées et décrites, avec leurs répercussions dans la vie quotidienne de la personne, même si elles ne sont pas encore toutes connues, l’évaluation de la situation individuelle doit être enclenchée pour identifier des besoins et mettre en place des réponses adaptées.
Néanmoins, une suspicion de TSA peut ne pas être suffisante pour envisager la mise en œuvre de toutes les réponses de compensation proposées par les MDPH pour les personnes avec TSA. La démarche diagnostique nécessite ainsi d’être poursuivie et finalisée.
Le repérage et le dépistage constituent les phases initiales de la démarche diagnostique mettant en évidence
la présence d’un risque de TSA. Les acteurs de la petite enfance (pédiatres, médecins et professionnels de PMI, médecins généralistes, orthophonistes et autres professionnels de santé libéraux, équipes de centre d’action médico-sociale précoce – CAMSP…), mais aussi tous professionnels amenés à recevoir de jeunes enfants (dans les crèches, les haltes-garderies, les réseaux d’assistantes maternelles, les écoles) ainsi que les familles et le médecin de famille jouent un rôle déterminant dans la prévention par le repérage précoce des TSA.
Le médecin de famille doit rester attentif à la détection de tout signe ou symptôme de TSA :
- en écoutant les parents lorsqu’ils font part de préoccupations concernant le développement de leur enfant (la recherche a démontré la validité des préoccupations des parents) ;
- si les parents n’expriment pas d’inquiétude, en leur demandant directement s’ils ont des préoccupations au sujet de leur enfant ;
- en se renseignant au sujet des antécédents familiaux de TSA ou d’autres difficultés de développement ;
- en constatant l’incapacité de l’enfant à atteindre certains stades de développement ou en faisant participerl’enfant à des activités permettant de révéler les difficultés de développement. Il existe certains tests de dépistage standardisés pour évaluer le risque de TSA:
- le Checklist for Autism in Toddlers (CHAT – Baron-Cohen et coll., 1996) intègre des observations comportementales directes ; il peut également être utilisé par des médecins ne possédant pas de formation spécifique sur les TSA ;
- le Modified Cheklist for Autism in Toddlers (M-CHAT – Robins, Fein, Barton and Green, 2001) est un court questionnaire qui peut être donné aux parents d’enfants âgés de seize à trente mois et renseigné dans la salle d’attente.
Si les résultats du dépistage sont positifs, cela ne signifie pas que l’enfant est susceptible de présenter un diagnostic de TSA. Il est alors recommandé d’orienter l’enfant vers une équipe de diagnostic pluridisciplinaire pour une évaluation complète des différents domaines de fonctionnement de l’enfant et pour écarter d’autres troubles de la communication.
Enfin, dans le cadre des missions qui leur sont confiées, les centres de protection maternelle et infantile (PMI) peuvent également jouer un rôle dans le repérage précoce des TSA lors des consultations infantiles. Ils peuvent faire le lien entre l’équipe de soins de l’enfant et l’équipe scolaire qui va l’accueillir. Ils ont également un rôle d’accompagnement des familles confrontées à cette pathologie.
Étant donné le manque de spécificité des signes d’appel chez l’adulte28, il est important, devant des difficultés persistantes de communication et d’adaptation sociale de la personne à son environnement, de penser aussi à un TSA. Les signes d’appel impliquent pour les médecins de rechercher leur survenue précoce et de les replacer dans l’histoire des personnes. Il est souhaitable d’impliquer également les équipes des structures médico-sociales dans le repérage des TSA et, plus largement, les professionnels travaillant au quotidien avec les adultes.
Le diagnostic concerne le domaine médical. Il est étayé par des observations cliniques, associé à des examens complémentaires et relève, chaque fois que cela s’avère nécessaire, d’une démarche pluridisciplinaire avec une évaluation médicale, orthophonique ou encore une évaluation psychocognitive, sensorielle et/ou des interactions sociales. Il s’agit de la confirmation du trouble, de l’identification de la pathologie et des altérations de fonction ainsi que de l’appréciation du contexte dans lequel ce trouble se situe (cognitif, social…) et de ses conséquences dans la vie quotidienne.
Si le diagnostic nosologique est important, les éléments du diagnostic fonctionnel29 constituent le socle de l’analyse d’une situation individuelle dans la mesure où les altérations de fonction, les compétences de la personne et les retentissements dans la vie quotidienne y sont identifiés.
L’enjeu de la démarche diagnostique consiste à développer une coopération partenariale, notamment entre les acteurs du diagnostic et les équipes des MDPH. Cette coopération doit faciliter l’analyse de la situation de la personne par la MDPH en lui fournissant des éléments clairement énoncés en ce qui concerne les types de troubles, la sévérité et l’évolution des troubles, les compétences (ressources ou leviers) et contraintes existantes ou émergentes, les altérations de fonctions, les limitations d’activité et la restriction de participation. Cette transmission des informations produites par les acteurs de la démarche diagnostique est capitale pour permettre aux équipes des MDPH d’appréhender la situation de handicap, au sens de la loi de 2005, et de proposer des réponses de compensation.
Par ailleurs, l’enjeu consiste aussi à développer la réciprocité des échanges et l’articulation entre la
démarche diagnostique et les interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées, comme l’évoquent les recommandations conjointes de la HAS et de l’ANESM de 2012 (enfants et adolescents). Même pour une personne très jeune, les altérations de fonctions et l’identification de troubles du développement conduisant à la suspicion de TSA doivent enclencher des interventions au plus tôt sans empêcher – notamment – le bénéfice d’un mode de garde ni la scolarisation.
Les enjeux de la précocité
La mise en place d’un dispositif territorial de repérage, de diagnostic et d’interventions précoces fait partie des priorités fixées par la totalité des plans d’actions régionaux autisme pilotés par les ARS et élaborés en 2013 et 2014. Ces dispositifs sont en cours de développement dans les territoires. Les enjeux de la précocité sont multiples :
- une plus grande plasticité du cerveau et du neurodéveloppement avant quatre ans, qui permet un bénéfice accru des interventions éducatives et thérapeutiques menées au cours de cette période ;
- un effet bénéfique de ces interventions pour des enfants présentant des troubles de la socialisation et/ou communication proches des TSA, notamment d’autres troubles des interactions et des troubles sévères du langage ;
- l’instauration d’emblée d’un rapport de confiance et d’une alliance éducative et thérapeutique avec les parents, avant qu’ils ne se soient épuisés à faire reconnaître et à gérer seuls les troubles déjà perceptibles de leur enfant ;
un temps nécessaire de préparation à la scolarisation, élément majeur du bon neurodéveloppement des enfants avec TSA.
Les recommandations de bonnes pratiques de l’ANESM et de la HAS de mars 2012 préconisent ainsi la mise en œuvre d’un projet personnalisé d’interventions dans les trois mois suivant le diagnostic. Elles soulignent néanmoins que la mise en place des interventions comme recommandé peut débuter avant même que l’ensemble des évaluations initiales soit terminé, dès qu’un trouble du développement est observé (voir le chapitre 2.2 des recommandations précitées).
Par ailleurs, dès qu’un trouble du développement est constaté et lorsque les interventions globales ne sont pas disponibles dans les trois mois suivant le diagnostic, les recommandations préconisent de proposer dans un premier temps aux parents et à leur enfant des interventions ciblées sur le développement de la communication et du langage afin d’améliorer les interactions sociales entre l’enfant et son environnement, la mise en œuvre d’interventions globales devant ensuite prendre le relais dès que possible.
Axée sur l’observation d’altérations qualitatives dans les domaines de la communication et des interactions sociales réciproques et sur celle du caractère restreint, répétitif des comportements, des intérêts et des activités, la démarche diagnostique associe trois volets :
- l’établissement du diagnostic nosologique, c’est-à-dire l’identification de signes cliniques traduisant les altérations de fonction au sein d’une même entité pathologique à laquelle est apportée une dénomination partagée par les autres professionnels en fonction de critères diagnostics validés ;
- l’établissement du diagnostic fonctionnel, c’est-à-dire le retentissement des troubles en termes de limitations d’activités et de restrictions de participation ;
- la recherche de pathologies associées.
Établissement d’un diagnostic nosologique
Il s’agit de donner un nom aux troubles présentés par la personne. Actuellement, le diagnostic de l’autisme repose sur le repérage d’un certain nombre de signes cliniques. Lorsque le nombre de signes est supérieur à un certain seuil, on parlera alors d’autisme.
L’établissement du diagnostic doit s’appuyer à la fois sur le recueil d’un certain nombre de données auprès de l’entourage, en particulier l’histoire très précise du développement et la description des comportements, aptitudes, particularités et difficultés présentées par la personne, ainsi que sur l’observation directe de la personne.
Afin d’aider à l’établissement ou à la confirmation du diagnostic nosologique, des questionnaires et des procédures d’observation standardisés ont été mis au point. Les plus utilisés sont l’Autism Diagnostic Observation Schedule (ADOS) et la Childhood Autism Ratig Scale (CARS).
Établissement d’un diagnostic fonctionnel
L’évaluation de différents domaines du fonctionnement de la personne doit être appréciée au regard des ressources et des limites de son environnement. Les modalités de ces évaluations sont variables d’une équipe à une autre. Certaines équipes proposent des évaluations regroupées sur une période courte (deux à trois jours par exemple), d’autres proposent que ces évaluations soient plus étalées dans le temps. D’autres différences de procédures existent, mais l’objectif reste que chaque personne bénéficie d’une évaluation psychologique, d’une évaluation orthophonique du langage et de la communication (et des troubles de l’oralité) et d’une évaluation du développement psychomoteur et sensori-moteur.
Le résultat du processus diagnostique et des différentes évaluations du fonctionnement ont un objectif principal dans le cadre du parcours de la personne : éclairer utilement les différents acteurs (dont la famille, la MDPH et les différents professionnels de l’intervention) quant aux orientations et aux choix à prendre à tout âge de la vie.
À ce titre, les évaluations doivent aboutir à l’identification dans le dossier présenté à la MDPH, notamment dans le certificat médical, des éléments éclairants sur les répercussions dans la vie quotidienne, en particulier sur le plan :
- des apprentissages, de la sphère cognitive, de la vie scolaire ou professionnelle ; • de la communication, du langage ;
- des interactions sociales ou socialisation ;
- des comportements, des émotions ;
- de l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage…) ;
- somatique, sensoriel, moteur.
Il convient de souligner que le recueil des différentes données de l’évaluation du fonctionnement ne signifie pas
le recours systématique à une batterie de bilans effectués par différents professionnels : puisque les altérations de fonctions, les limitations d’activité et les restrictions de participation sont les éléments les plus éclairants pour les MDPH, de nombreuses informations complémentaires pourront être recueillies directement auprès de la famille ou des professionnels intervenant auprès de la personne (éducateurs, enseignants…).
Recherche de pathologies associées
L’association à l’autisme d’anomalies, de troubles ou de maladies est fréquente (voir le chapitre I). Il est donc recommandé qu’un certain nombre d’examens soient proposés : un examen de la vision et de l’audition, une consultation neuropédiatrique, une consultation génétique avec caryotype standard et recherche du syndrome de l’X fragile.
En fonction des consultations neuropédiatriques et/ou génétiques, d’autres examens peuvent compléter le bilan : bilans neurométaboliques, EEG avec sieste, IRM cérébrale ou autres examens spécialisés.
La découverte dans certaines situations d’une pathologie associée ne remet pas en cause le diagnostic d’autisme.
Les acteurs et les niveaux de la démarche
Toute équipe de professionnels peut poser un diagnostic de TSA. Néanmoins, l’équipe doit se caractériser par
la pluridisciplinarité pour réaliser les trois volets de la démarche diagnostique. La recommandation de bonnes pratiques professionnelles relative au dépistage et diagnostic de l’autisme chez l’enfant (HAS/Fédération française de psychiatrie – FFP, 2005)30 précise :
« Le diagnostic est assuré auprès de toute équipe pluridisciplinaire 1) disposant de professionnels formés, compétents et suffisamment entraînés pour examiner le développement (cognitions, communication, sensorimotricité) et les aspects psychopathologiques ; 2) ayant une bonne connaissance de ce qui peut être proposé aux parents en termes de soins, d’éducation, de pédagogie et d’accompagnement de leur enfant ; 3) articulée avec les professionnels susceptibles d’assurer les consultations génétique et neurologique.
[…] ces équipes peuvent être localisées en CAMSP, CMPP [centre médico-psycho-pédagogique], cabinet de praticiens libéraux coordonnés entre eux, service de psychiatrie infanto-juvénile, service de pédiatrie, unités d’évaluation ou centres de ressources autisme régionaux (CRA). »
Pour les adultes, la démarche diagnostique est également interdisciplinaire (HAS, 2011). Il est souhaitable qu’elle soit formalisée (avec un protocole) et coordonnée avec tous les acteurs impliqués. Ces acteurs susceptibles
de participer au diagnostic sont les suivants : éducateurs spécialisés, ergothérapeutes, généticiens cliniques, infirmiers, médecins généralistes, neurologues, orthophonistes, psychiatres, psychologues, psychomotriciens, radiologues. Le recueil d’éléments cliniques doit tenir compte des comportements dans divers contextes et inclure des observations directes ou rapportées par les différents intervenants.
Globalement, la démarche diagnostique et d’évaluation du fonctionnement peut s’organiser selon trois niveaux :
- premier niveau : un diagnostic simple, ne nécessitant pas l’utilisation d’outils diagnostics spécifiques (ADI, ADOS), par une équipe pluridisciplinaire de proximité située, selon les territoires de santé, au sein d’un réseau libéral coordonné (médecin généraliste, pédiatre, orthophoniste, psychiatre, psychologue, éducateur…), les CAMSP, les services de pédiatrie, les centres médico-psychologiques (CMP), les CMPP. Le recueil d’éléments cliniques doit tenir compte des comportements dans divers contextes et, de ce fait, il doit inclure des observations directes ou rapportées par les différents intervenants ;
- deuxième niveau : diagnostic de moyenne complexité, nécessitant la mise en œuvre de moyens diagnostics spécifiques (ADI, ADOS), par des acteurs de la première ligne formés à ces outils ou des équipes d’unités spécialisées dans l’évaluation des troubles du développement ou de l’autisme ;
- troisième niveau : un recours aux équipes départementales de référence de diagnostic de l’autisme, les CRA, pour une expertise complémentaire dans les situations de diagnostics complexes (ex. : polyhandicap associé, situations sociofamiliales compliquées, situations d’errance diagnostique).La démarche devrait s’organiser selon ces trois niveaux. Mais, selon les territoires, les équipes varient, et les niveaux de la démarche diagnostique, les parcours gradués depuis les équipes de proximité jusqu’aux CRA dans les cas complexes peuvent aussi varier.
Les principaux éléments à retenir
- Les CRA ne constituent pas les seule séquipes en capacité d’établir un diagnostic nosologique et fonctionnel; le troisième plan Autisme positionne clairement les CRA en tant qu’appui à des équipes de proximité.
- Un diagnostic posé par un médecin libéral, utilisant des outils standardisés recommandés, est valide. Il est souhaitable qu’y soient joints plusieurs bilans fonctionnels. Il n’y a aucune nécessité à exiger une confirmation ou une nouvelle batterie d’examens par le CRA ou toute autre équipe pluridisciplinaire.
- Le rôle des MDPH n’est pas de confirmer ou d’infirmer le diagnostic et les évaluations du fonctionnement. Elles peuvent néanmoins, en cas de diagnostic non conforme à la classification internationale, le « questionner » pour aider la personne et sa famille à s’orienter vers des équipes pluridisciplinaires en capacité de réviser/compléter le diagnostic tout en enclenchant des premières réponses au regard des altérations de fonctions identifiées. De même, ces premières réponses proposées par les équipes des MDPH ne doivent pas non plus générer une interruption de la démarche diagnostique ni certaines actions engagées pour accompagner la personne.